Résultat ? De nombreuses campagnes coûteuses tombent à plat, leurs messages ne résonnent pas, leurs canaux de distribution se révèlent inadaptés. La vérité est que chaque type de produit exige une approche marketing sur mesure. En clair, des tactiques spécifiques qui sont raccords avec sa nature, son cycle d’achat et surtout sa clientèle cible.
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ToggleLes fondamentaux : l’anatomie marketing d’un produit
Lessive, logiciel d’entreprise, produit d’horlogerie, casino en ligne… A priori, rien de commun entre ces produits. Mais pas d’un point de vue marketing ! Pour comprendre, prenons l’exemple concret d’un casino en ligne spécialisé dans les jeux de type “crash games” – le casino Aviator, comme on l’appelle, étant l’une des niches les plus dynamiques de ce secteur récréatif.
Si vous n’êtes pas familier avec ce type de jeu, petit rappel : un petit avion décolle sur votre écran, et à mesure qu’il monte, un multiplicateur augmente progressivement. 1,2x, 1,5x, 2x, parfois jusqu’à 100x votre mise. Le suspense ? L’avion peut s’écraser à tout moment, de manière totalement aléatoire. Votre mission en tant que joueur est d’encaisser vos gains avant le crash :
- Trop tôt, vous passez à côté de gains plus importants.
- Trop tard, vous perdez tout.
Pour un chef de produit, c’est l’occasion de jeter un œil à cinq dimensions marketing :
1. Fréquence d’utilisation
Très élevée. Une partie dure 10 à 30 secondes, on a ici un cycle d’engagement rapide et répétitif. Contrairement à l’achat d’une voiture (mettons tous les 5 à 7 ans), le joueur peut consommer le produit des dizaines de fois par session.
2. Barrière à l’entrée
Minimale. Pas de compétences requises, des règles intégrées en 30 secondes. Comparons cela avec un ERP nécessitant formation et intégration sur pas moins de 6 mois.
3. Cycle de décision
Instantané. L’inscription au dépôt initial : en tout 5 minutes. Le cerveau reptilien domine, l’adrénaline, la récompense immédiate. Aux antipodes d’un achat B2B impliquant comités, budgets, validations.
4. Valeur émotionnelle vs rationnelle
100% émotionnelle. On achète l’excitation, le frisson, l’espoir de tomber sur un multiplicateur x100. Aucun ROI calculable, pure dopamine.
5. Risque perçu
Paradoxal. Risque financier réel, mais psychologiquement minimisé par les mises limitées et l’illusion de contrôle (“je sais quand encaisser !”).
Ces cinq dimensions déterminent toute la stratégie marketing. On pourrait par exemple tabler sur :
- Des messages axés sur l’émotion (“Envolez-vous vers les gains”),
- Des canaux digitaux instantanés (push notifications, social ads),
- Des promotions réduisant le risque perçu (bonus de bienvenue, free spins),
- Et surtout une acquisition agressive compensant un churn élevé (taux d’abandon en cours de jeu).
Produits de grande consommation : la bataille de l’habitude
Prenons maintenant les lessives, qui est un peu l’exact opposé du casino Aviator. Comment un géant comme Ariel construit-il sa domination marketing ? La lessive incarne le produit à faible implication. Achat routinier, différenciation minime entre marques, décision en 3 secondes devant le rayon.
Dans ce contexte, Procter & Gamble (propriétaire d’Ariel) déploie une stratégie qu’on appelle l’occupation mémorielle systématique. Essayons de résumer en quelques lignes.
Créer une préférence inconsciente. P&G investit des millions d’euros annuels en publicité TV pour Ariel en France. Pourquoi ? Pour créer des associations mentales automatiques. Les publicités montrent invariablement : vêtement taché → Ariel → vêtement impeccable. Répété 10 000 fois, difficile pour le consommateur d’échapper à ce schéma.
Dominer le point de vente. Au supermarché, Ariel occupe jusqu’à 40% du linéaire lessive. Placement à hauteur des yeux, packaging différenciant (orange vif), promotions permanentes. L’objectif : être le choix par défaut quand le consommateur, en pilote automatique, tend la main.
Verrouiller par l’habitude. Une fois essayé, le produit doit devenir invisible. Pas de surprise, une performance constante. Le marketing shift alors vers la rétention : un programme de fidélité, des packs économiques, des innovations incrémentales (“nouveau parfum” par-ci, par-là) pour maintenir l’intérêt, mais sans bouleverser les habitudes.
Cette approche génère des milliards de revenus annuels pour la seule marque Ariel, avec environ 24% de part du marché de la lessive. La leçon ? Pour les produits de commodité, le marketing consiste à transformer un achat conscient en réflexe inconscient.
Services digitaux : l’obsession de la rétention
Netflix a révolutionné le divertissement. Il compte plus de 300 millions d’abonnés, même si la société a décidé d’arrêter de communiquer sur le sujet. Derrière cette success story se cache une redoutable machine marketing, obsédée par une métrique : le “churn rate” (taux d’attrition).
Le défi Netflix est de vous gardez accro, littéralement. L’équation est donc comme ceci. Coût d’acquisition d’un abonné : 50 à 100$. Revenu mensuel : 15$ environ. Rentabilité : après 6 mois actifs sur le compte. Problème : 70% des désabonnements surviennent dans les 3 premiers mois. La stratégie marketing devient donc : comment survivre 90 jours ?
Onboarding personnalisé à l’extrême. L’algorithme analyse vos 5 premières sélections. Profil établi parmi plus de 2000 “taste communities”. Interface réorganisée pour maximiser l’engagement. Notifications push calibrées (“Nouveau contenu similaire à [dernier visionnage]”).
Accroches constantes sur le contenu. Release stratégique des séries. Épisodes hebdomadaires pour certains shows. Cliffhangers savamment calculés. Le bouton “Skip intro” pour réduire la friction. Lecture automatique pour maintenir l’intérêt. Objectif : créer une habitude quotidienne.
Preuves sociales et alimentation d’un sentiment de FOMO. “Top 10 dans votre pays”. “Visionné par 50M de foyers”. Un buzz orchestré là encore sur les réseaux sociaux, comme cette fois où MrBeast (parti chez le concurrent Amazon) a commenté toutes les publications liées à Squid Game. Des memes sponsorisés. Le contenu devient sujet de conversation sociale. En somme, manquer Squid Game = exclusion culturelle.
Impossible de lister tous les rouages, mais les plus redoutables permettent de réduire le churn à 2% à 2,5% mensuel. Clairement le meilleur taux de l’industrie. La leçon ? Pour les services par abonnement, l’acquisition n’est que le début. La vraie bataille se joue dans les 90 premiers jours.
L’importance de l’alignement
Il y a une vérité commune à ces exemples : le meilleur marketeur du monde ne peut compenser un mauvais alignement entre produit et stratégie. Un casino ne peut adopter le marketing patient de Hermès. Salesforce ne peut appliquer les tactiques émotionnelles d’un produit de lessive comme Ariel.
La question n’est plus “comment marketer ?”, plutôt “quel marketing pour MON produit ?”. L’excellence commence par une compréhension profonde de votre produit – sa nature, son cycle, sa proposition de valeur.






